Ingrid Koothran vous salue

Ingrid n'est pas vraiment une jolie fleur des villes ; les fleurs, ça ne poussent pas très bien entre les mauvaises herbes, et New York est un jardin mal défriché.
Endurcie par les combats et la survie, Ingrid dégage la puissance athlétique d'un fauve urbain. Ses cheveux roux et ses yeux gris lui donnent un éclat sauvage, au milieu des têtes brunes et des regards sombres du quartier colombien. Aléa génétique ou réminiscence d'un quelconque ancêtre gadjo ? Elle n'en sait rien et s'en moque ; ce n'est pas comme si elle avait choisi de rester coincée ici par fierté communautaire.
Elle essaie de tempérer sa flamboyance naturelle par une efficacité sobre. Habillée au plus pratique, elle ne perd pas son temps ni son peu d'argent en fioritures. Pas de bijoux, une leçon apprise à la dure ; un petit triangle de chair manque au lobe de son oreille gauche. Pas de maquillage non plus, mais ça, c'est juste qu'elle s'en fout.

Pourtant quand on la rencontre, Ingrid ne manque pas de charme. Fumeuse jusqu'au bout des bronches, il n'est pas rare de la croiser mains dans les poches et clope au bec. Elle porte ses airs de loubarde avec assurance, sans manquer de chaleur ou d'amabilité. Le sourire facile quand on ne lui cherche pas des noises, et un sang froid comme l'hiver quand on les lui trouve.
Il serait facile de la considérer comme une simple frappe des rues, et idiot. Intuitive et intelligente, Ingrid ne se repose pas que sur la force pour s'en sortir. Ni sur son pouvoir. Issue d'une famille croyante où les mutants ne trouvaient pas grâce aux yeux de Dieu, il fut difficile pour la jeune femme d'envisager d'être de ceux-là. Un secret qui lui pèse, tant par l'éducation qu'elle a reçu que par la crainte que son gang ne le découvre.

Car derrière la façade indépendante et assurée, c'est une battante fatiguée et solitaire, qui doit payer la dette de son taulard de frère au gang Solejo. Une dette qui lui a pris dix ans de sa vie.
Elle a fait leur sale boulot et l'a fait bien, s'est hissée sans compter les cicatrices, passée maîtresse dans une violence à laquelle elle ne trouve aucun sens. Alors, quelque part dans son blouson, Ingrid a une petite croix dorée. Souvenir de sa mère, elle a choisi de croire en Dieu à son tour. Qu'il y a encore quelque chose qui peut être sauvé, chez elle ou ailleurs, malgré l'impénétrabilité de Ses putains de voies. Mais elle ne s'en remet pas à Lui pour survivre.
Ça fait dix ans que dans l'ombre du gang, Ingrid ronge discrètement sa laisse. Une préparation prudente et minutieuse pour sa liberté bientôt retrouvée, et celle de son frère.