Un regard inciendiaire et tout est calciné [Validé]

Sylvan est homme grand, brun et barbu ce qui au-delà de la couleur de poil le rapproche de ce qui est la description idéal d’un grizzly de Sibérie. La loyauté est pour lui la valeur la plus importante d’un homme et la sienne va à son drapeau. Solitaire, fort et puissant il est connu pour remplir chacune des missions que l’on peut lui confier. Son sens du devoir est tellement développer que ses supérieurs savent pertinamment qu’il sera prêt à toutes les possibilités pour remplir la mission, y compris mettre en jeu des vies humaines innocentes. Malgré son intelligence il ne se pose pas la question du bien fondé d’une tâche si ce sont ses supérieurs qui la lui confie. Il à l’esprit percutant du mateau et les méthodes tranchantes de la faucille.

D’un point de vue personnel Sylvan est un homme affable, bon. Sa grande culture générale et ses capacités de réthorique lui valent de nombreuses amantes et quelques amis même si cette dénomination est plus que surfaite puisqu’il vit seul dans un petit appartement de St Petersbourg. Il n’a aucun contact, pas de téléphone, une boite postale. Il vit coupé du monde et son poste aux renseignement russe lui octroie un bureau dans le batîment de l’état major d’un régiment d’infanterie. Ses collègues ne lui parlent pas et seuls quelques officiers connaissent ses véritables emplois. Il n’a pas de frères d’armes ou de collègue, il ne commande pas d’autre personnes que lui même et il en est satisfait. Les seuls personnes à qui il parle sont sa sœur et son grand oncle, Ernest, qui lui a appris son art.

Au dela de cela, Karov est capable de donner le change, c’est un dissimulateur né et passe très bien en société. Sans être un grand acteur il passe bien et sait être discret. Sa mission actuel ne l’intéresse que dans la mesure ou c’est une mission. Il n’en attends rien et se contente de réaliser la mission avec le plus de professionnalisme possible. Cependant il préférerait être dans ses montagnes natale plutôt que dans la jungle New Yorkaise.

Des pas lourds résonnent dans le hall du ministère des affaires étrangères de la fédération de Russie. Un jeune colonel s’avance dans son uniforme de parade impeccablement repassé, les talons de ses chaussures cirées claquent sur le vieux parquet. Après une courte conversation avec la secrétaire cette dernière lui recommande de se rendre dans le bureau du ministre. La casquette coincée sous son coude le colonel frappe à l’épaisse porte de bois massif et attends patiemment qu’on l’invite à entrer. Le ministre est à son bureau savourant un cigare devant un dossier relativement épais. Son visage s’illumine lors de l’entrée du militaire et il se lève pour le saluer avant de la donner l’accolade après que le colonel ait claqué des talons. Les deux hommes prennent place l’un en face de l’autre, de part et d’autre du bureau rangé au cordeau avant que le ministre prennent la parole.

« Ergonov, je suis véritablement ravi que vous ayez pu venir aussi vite. Sachez que la Russie n’oublie jamais ses héros et vous en êtes un de premier plan... »

Le dit Ergonov n’écoutait plus à partir de ce moment. Comme tous ses prédécesseurs le tout nouveau ministre des affaires étrangères allait égrainer son dossier de A à Z tout en essayant de ne pas trop lorgner la médaille du courage impeccablement polie qui trônait sur sa poitrine, et les autres. A dire vrai il regrettait un peu les premières années. Avec un brin de nostalgie il se remémorait ses classes, les insultes de ses supérieurs, les coups de ses camarades de chambrées qui cherchaient une tête de turc, le lit de Dourakine qui prend feu au milieu de la nuit, les funérailles qui suivirent. Le bon temps en quelques sortes.
En réalité, le peu de temps passé en école militaire n’était rien en comparaison de sa prise en main à 8 ans par son oncle. Ernest, le dernier de la lignée, devait à tout prix transmettre son art et la position d’orphelin de Sylvan le prédisposait agréablement à sa future tâche de disciple. Seul, perdu au milieu de l’Oural dans la bicoque d’Ernest, à dix kilomètre du premier village, c’est là qu’il avait vécu jusqu’à ses 18 ans. Dix longues années de méditation, de privation, d’entraînement physique et psychique pour ne connaître que ce que son oncle appelait « le minimum ». Le reste disait il viendrait naturellement. En un battement de cil le jeune officier supérieur se remémorait les longues heures d’études et d’exercices. A coté de cela l’entraînement militaire était une vaste rigolade qu’il avait traversé le sourire aux lèvres. Les montagnes russes avaient cette capacité à forger des Hommes aussi dur de l’acier tout en leur conservant la souplesse du cuir.

« J’ai parcouru vos états de services et il faut reconnaître que le tout est impressionnant. Major de votre école d’officier, une vingtaine de campagnes, cinq fois le Moyen Orient, deux renversements de régime, une vingtaines d’assassinats, de multiples fois décoré par le président... »

« Monsieur le Ministre, vous savez qui je suis et ce que je fais ceci est admis. Pourquoi avez vous besoin de moi ? »

La voix avait claquée dans l’air comme un coup de fouet. Respectueux mais sans détour le ton était celui d’un homme qui ne veut qu’une chose, connaître sa mission. Embarrassé, le ministre adipeux se tortilla sur la chaise et sorti un autre dossier avant de poser son avant bras dessus. Déposant délicatement son cigare sur le cendrier tout proche il se racla la gorge.

« La situation est simple Colonel. Depuis l’incident de New York nous sommes presque certains que les américains essaient de profiter de la situation pour créer une force armée avec laquelle personne ne pourrait rivaliser. Néanmoins nos accords nous empêche formellement d’organiser une quelconque manœuvre sur territoire Américain, fût ce t’il gangrené par la pourriture mutante. »

Sylvan ne répondait pas, il hocha la tête et sorti son paquet de cigarette avant d’attendre l’autorisation du ministre pour la porter à ses lèvres. Une douce lueur rouge vacilla alors même qu’il respirait tranquillement sur l’agglomérat de tabac. Même si le ministre fit mine d’être habitué il ne pouvait cacher son étonnement face à ce prodige. Et dire que c’était là un simple tour de passe passe.

« Vous allez débarquer à Manhattan en tant que correspondant culturel à l’ambassade de Russie. Vous vous appelez KAROV Sylvan, fils d’un chorégraphe des ballets russes et d’une ancienne danseuse reconvertie. Naturellement vous allez devoir assurer les devoirs de cette charge, la paperasse, les soirées mondaines, les représentations et j’en passe mais je ne m’en fait pas pour ça. En sous-main vous prendrez tout le renseignement que vous trouverez sur un quelconque usage des troupes mutantes par les occidentaux. »

« Que faire si l’utilisation de ces troupes est déjà l’usage ? »

Le ministre s’avança sur son siège et se pencha sur son bureau avec un sourire carnassier.

« Colonel, je vais être clair. Vous n’aurez de compte à rendre qu’à deux personnes durant cette mission. Moi même et le président. Le personnel de l’ambassade ignorera tout de votre mission. Vous devez mettre en place tout ce qui est en votre pouvoir pour briser la volonté des occidentaux de se réunir avec ces sous hommes que sont les mutants. Vous pouvez tout faire Colonel, sauf de vous faire prendre. Suis-je clair ? »


L’appartement était relativement beau, spacieux et lumineux. Depuis la chute du régime soviétique il fallait avouer que les capacités des grandes familles russes à s’adapter au capitalisme sauvage étaient remarquable. Si une grande partie de la population ne voyait son salut que dans l’horizon d’un verre de vodka les privilégiés, eux, et en particulier les politiques ne s’en sortaient pas si mal. La mission n’était pas si compliqué, le contexte lui, c’était autre chose. Les jungles urbaines en perdition ne sont pas forcément les endroits les plus facile à appréhender. Assis dans un fauteuil, un vodka à la main, une cigarette en bouche Sylvan regardait par la baie vitrée qui donnait sur une forêt d’immeuble. C’est fou comme les montagnes de l’Oural lui manquait à présent.